MENU

Reportage photo: Bolivie

Le déclin des intellectuels

28 février 2017 Commentaires (2) Vues: 7714 Article

Edito #6

Poppers Mag est enfin de retour. Et vous allez me dire : “Mais où étais-tu donc Poppers Mag” ? Je reviens tout juste du Sri Lanka, petit pays d’Asie du Sud. Vous allez me dire : “on s’en tamponne de tes vacances, Poppers Mag”, et comme je vous comprends. Cela dit, les longs trajets en bus poisseux et en trains remplis à ras bord de petits asiatiques marrons et de touristes roses et gras m’ont laissé le temps d’observer et de réfléchir. J’ai réalisé, au fil de mes pérégrinations tropicales, que nous sommes entrés dans une période de guerre de religion, mais pas forcément dans celle que l’on croit ou que l’on essaie de nous faire gober. Il faut savoir qu’au Sri Lanka, quatre religions cohabitent tant bien que mal : les bouddhistes (majoritaires), les hindouistes, mais aussi les musulmans et les catholiques. Tous sont libres d’appliquer leur foi, de pratiquer leur religion et il y a même dans certaines villes une petite compétition à qui aura la plus gross… hem… le plus grand et bel édifice pour pratiquer sa religion. Par exemple, à Colombo, un temple bouddhiste a été érigé sur d’immenses pilotis de béton afin de cacher le clocher d’une église qui était avant cela l’ancien plus haut point visible de la ville en arrivant par voie maritime. Tout un symbole ! Enfin, tout cela c’était bien avant que ne poussent toutes ces villaines tours de béton un peu partout en ville. Quoi qu’il en soit, la conflictualité inter-religieuse s’arrête là à première vue et c’est la paix (la guerre civile a pris fin en 2009 et n’avait pas de ramifications religieuses) entre les croyances, ce qui me pousse à penser que ce qu’il se passe en France et un peu partout dans le monde occidental n’est que manipulation.

Il a fallu attendre la nuit et un trajet sur l’une des seules voies rapides du pays pour comprendre que la religion dont cette guerre est question n’est pas celle qu’on croit et œuvre en secret. Au milieu de nulle part, dans l’obscurité orange des réverbères d’autoroute, j’ai réalisé qu’une église avait battu toutes les autres dans la course à la visibilité. Elle était là, brillant au milieu de nulle part au Sri Lanka, mais je l’avais déjà vue partout ailleurs : en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, etc… Un “m” jaune souligné de rouge vif brillait de mille feux, visible de n’importe où. Cette église vendait des hamburgers à bas prix mais sa religion avait mille autres idoles, mille autres lieux de culte différents : des stations essences, des enseignes de supermarché, des banques, des publicités en tous genre… La nuit, la religion capitaliste fait briller des millions de cierges en néon pour notre plus grand bonheur, nous rappelant que nous devons aller à la messe le plus souvent possible, dépenser tout notre pécul en produits inutiles et polluants.

C’est donc face à une religion à la fois cachée et visible de tous que nous devons nous battre et la lutte ne sera pas facile car les croyants ne sont pas conscients de l’être. Cette croyance qui suppose qu’un seul modèle économique est possible et que seuls importent la consommation, la croissance économique, le libre échange, les dividendes ou que sais-je encore… eh bien cette religion est un cancer qui nous ronge. Notre environnement se détériore à vitesse grand V, les inégalités présentes depuis les débuts de ce culte (il y a environ 250 ans1) ne cessent d’augmenter (8 personnes possèdent acutellement autant de richesses que 50% de la population mondiale (oui, vous avez bien lu)…) et la guerre est à notre porte comme à chaque fois que le capitalisme déraille. Et une fois de plus, c’est toi, moi, et tous les autres mais jamais eux qui allons en payer le prix fort. Ce cancer qui nous ronge, nous devons le traiter, comme toute maladie qui se respecte, si nous voulons en réchapper. Mais comme toute maladie sévère, la cure sera compliquée et difficile. Cependant, attendre, continuer comme si de rien, c’est rendre les choses de plus en plus lourdes et complexes sans savoir quelles pourront en être les conséquences.

Pour Poppers Mag, la solution passe en premier lieu par le constat de cette croyance, puis par la recherche de repaires intellectuels perdus ou nouveaux, d’une direction à suivre pour en sortir. En effet, il semble clair que nous faisons face à un réel problème de perception intellectuelle lorsqu’il s’agit d’observer notre rapport au culte néo-libéral et la manière dont nos croyances s’ancrent dans ses préceptes. Ceci est particulièrement frappant dans la (nov)langue employée par les candidats à l’élection présidentielle actuelle. Alors que les sondages (grands oracles de la religion libérale dont la précision ces derniers temps met l’édifice en branle) semblent vouloir nous destiner à Mme Le Pen(is), M. Fi(ll)on et M. Ma(is qu’il est)cron, il est amusant de constater que tous se présentent comme un renouveau politique, allant même pour certains jusqu’à se catégoriser comme étant “anti-système“, “révolutionnaire” ou juste différents de ce à quoi nous avions droit jusqu’alors. Une chanson maintes fois entendue mais qu’il est toujours bon de déchiffrer un peu. Des exercices intéressants sont d’ores et déjà faits sur la stratégie de communication qu’est la langue politique de ces candidats (notamment par Usul dans ces vidéos de 5min que je vous recommande fortement). Dernièrement, c’est la (nov)langue de Macron qu’on passait au crible et ce qui en ressortait avait de quoi surprendre : notre jeune Che GuevaRotschield croyait bienvenu d’aborder la politique et notre avenir en nous parlant de “projet” et de “vision” (à défaut d’idées, de propositions concrètes et de programme), s’appuyant sur le langage qu’on retrouve dans nos plus beaux manuels de management et croyant ainsi bon d’appliquer une stratégie de management de projet digne d’une PME aux problèmes systémiques, historiques ou culturels auxquels fait face l’état français… Le Pen de son côté, ouvre son meeting de lancement de campagne en se réclamant du “peuple” (“contre la droite du fric et la gauche du fric” négligeant au passage la fortune accumulée par son papa) puis en nous parlant de “liberté” qu’elle rapproche de “valeurs” (non définies, c’est plus commode) et d’une “tradition” française qu’elle associe à notre devise nationale et auxquelles s’ajoute un “héritage chrétien” de très bon goût. Je vous passe les détails concernant les liens constants faits entre nos problèmes et l’islam radical car c’est assez peu intéressant, mais on a là tous les éléments de l’idéologie libérale bourgeoise qui viennent se frotter à un populisme de droite formant ainsi un ensemble assez peu cohérent et plutôt contradictoire… Enfin, l’outsider, (feu ?) Fillon souhaite lui aussi “libérer l’économie“. Avec ces candidats d’un genre nouveau, on est donc dans une langue et une thématique reflettant un modèle économique unique (le libéralisme et ses préceptes) et au travers desquelles les divergences qui en ressortent sont en définitive peu significatives. Pas étonnant ainsi qu’on retrouve, dans les faits, Le Pen, son parti, la droite, le centre et le PS dans ceux qui ont voté “pour” la directive européenne relative au “secret d’affaires“. Pour ce qui est du renouveau et du changement, on repassera. Il est amusant également d’observer le point d’orgue que Fillon plaçait à l’irréprochabilité ou Le Pen à la corruption des dirigeants politiques quand on voit maintenant le nombre d’affaires louches qui éclatent à leur propos.

Bref, ce qu’on a là, c’est l’incapacité de nos élites politiques (qui sont en définitive le reflet d’une majorité de la population (votante) si l’on se fie aux oracles du sondage) à penser en dehors de la croyance capitaliste. A titre de comparaison, Mélenchon, dans son discours à l’hologramme, tacle d’entrée de jeu “le libéralisme” sans se contredire ensuite et Poutou se présente carrément à la tête d’un parti qui se revendique comme anticapitaliste ce qui a le mérite d’être clair et de proposer de vraies alternatives intellectuelles et politiques. Ce que nous montrent les discours des candidats en tête des sondages, c’est aussi une volonté affirmée de ne pas sortir de repaires intellectuels et idéologiques flous et généralement non définis (ceux du “travail”, de la “liberté”, de la “nation”, des “traditions” ou plus récemment de la “vision” ou du “projet” donc). Il faut dire qu’ils s’appuient tous sur nos élites intellectuelles bien-pensantes : Alain Minc, Dominique Seux, Eric Zemmour, Jacques Attali et j’en passe… Du coup, Poppers Mag s’est demandé comment on avait pu en arriver à des discours si creux et à un tel niveau intellectuel là où, 60 ans auparavant, on pouvait voir s’opposer Sartre, Aron ou encore Foucault. Nous nous sommes demandés si l’on devenait simplement plus cons tous les jours (comme semblent vouloir nous le rappeler nos chers médias) ou s’il ne se passait pas réellement quelque chose d’autre. Nous avons voulu nous intéresser à une autre forme de tradition et de valeurs françaises que celles assez floues matraquées par Le Pen et ses comparses en nous penchant sur le parcours et les idées d’un des derniers penseurs star français : Michel Foucault. Puis c’est de la relation entre artistes dont nous parlerons avec Rodin et les Claudel, car l’art n’est pas à son mieux également. Nous avons décidé de nous intéresser aux repaires intellectuels et idéologiques choisis et mis en avant par notre société au cours de ces dernières décennies, ces idoles de la religion capitaliste que sont Batman et Superman, pour tenter de comprendre d’où vient notre aveuglement. Puis comme toujours, des photos : des photos de rêves et d’eau, faisant écho à Bachelard et nous rappelant au bon souvenir du philosophe français ; et les images d’un squat à Lyon pour nous montrer un autre visage de notre pays. Bref, tout cela et plus encore, c’est notre tentative de te faire voir, ami lecteur, qu’il existe autre chose, une vision plus proche de toi et de tes vrais problèmes que celle qu’on te vend à dans les médias entre deux pubs pour Colgate et des laxatifs dernier cri.

Pour finir, Poppers Mag a encore deux choses à te dire. La première, c’est de te poser des questions et de te renseigner par toi même sur ce qui est vraiment important pour toi, sur ce qui est proposé et dit (observe le langage et les mots employés donc, c’est un premier pas) par les candidats de cette élection. Par exemple, observe les propositions faites sur l’écologie (elles sont pour ainsi dire inexistantes de Le Pen à Hamon qui a dû s’allier à EELV pour avoir un semblant de crédibilité sur le sujet… on commence à en parler sérieusement à partir de Mélenchon, très solide sur le sujet), sur les inégalités de revenu, sur l’évasion fiscale (qui, pour rappel, coûte dans les 80 milliards par an au pays contre les 5 milliards que coûtent à eux deux cumulés la Sécu et l’accueil des migrants (thèmes chers à Fillon et Le Pen !)), regarde qui est corrompu ou a fait l’objet d’accusations ou d’investigations sérieuses (si tu es encore capable de voter pour Fillon ou Le Pen dans l’espoir que ces gens là vont changer les choses de ce point de vue, c’est je pense que quelque chose ne tourne pas rond dans ta tête…). Bref, fais ton travail de citoyen avant de nous condamner tous à un futur de merde.

La seconde, c’est que tu peux désormais nous aider financièrement tout en redécorant ta maison de façon chic et jolie ! Après ce message politique d’une rare lourdeur, Poppers Mag montre toute sa souplesse en passant sur un registre déco-fashion des plus tendance. Ainsi, 3 affiches (30×40) dérivant d’un article précédent sont disponibles en série limitée ! Pour la modique somme de 15 €, Poppers Mag t’aide à redécorer ta maison (parce qu’on va pas se mentir, c’est très laid chez toi) et tu aides Poppers Mag à changer le monde (si si…). Pour obtenir ces petites merveilles d’art décoratif, envoie simplement un mail à info@poppers-mag.fr et fais-nous savoir l’objet de tes désirs, ton mode de paiement et l’adresse de facturation. Tu recevras ensuite ton affiche et ta vie en sera changée à jamais.

Mockup-Affiche-1-HHMockup-Affiche-1-TMMockup-Affiche-1-BE

Share on FacebookShare on Google+Share on TumblrTweet about this on TwitterEmail this to someone

Références

  1. Domenico Losurdo, Contre-histoire du libéralismeLa Découverte, 2013

Tags:

2 Commentaires - Edito #6

  1. Vedrenne dit :

    C’est tellement bien dit j’en reste sur le cul ils savent regarder en vérité

    Amen Amen Amen

  2. Pat Baldo dit :

    Sympa le retour de Poppers Mag…. les affiches je les ai déjà elles sont superbes.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *